Alexandre Pouchkine
Conte du Tzar Saltane et de la belle princesse Cygne

Trois jeunes filles, à leur fenêtre, filaient un soir, tardivement.

— Si j’étais Tzarine, dit l’une, à moi seule je préparerais un festin pour le monde entier.

— Si j’étais Tzarine, dit sa sœur, à moi seule je tisserais une toile fine pour le monde entier.

— Si j’étais Tzarine, dit la troisième sœur, j’enfanterais un Bogatyr pour notre père le Tzar.

À peine eut-elle le temps de prononcer ces mots que la porte grinça doucement sur ses gonds et que dans la chambre entra le Tzar, souverain de la contrée. Il s’était tenu caché, durant toute la conversation, derrière le mur. En tout, les paroles de la dernière lui avaient plu.

— Bonjour, belle jeune fille ! dit-il. Sois Tzarine, enfante un Bogatyr pour moi, à la fin de septembre. Et vous, chères sœurs, sortez de la chambre. Partez à ma suite et à celle de votre sœur. Que l’une soit filandière et l’autre cuisinière.

Le Tzar sortit dans l’antichambre. En hâte, tous partirent vers le palais. Le Tzar, sans longs préparatifs, se maria le soir même.

Le Tzar Saltane et la jeune Tzarine présidèrent au festin d’honneur, puis les invités mirent les jeunes époux sur un lit d’ivoire et les laissèrent seuls.

La cuisinière rage dans sa cuisine. La filandière pleure devant son métier. Toutes deux jalousent la femme du souverain.

La jeune Tzarine, selon sa promesse, conçut cette nuit même.

 

* * *

 

On était en guerre en ce temps-là. Le Tzar Saltane dit adieu à sa femme ; montant sur son bon cheval, il lui enjoignit de bien se garder par fidélité d’amour.

Cependant qu’au loin il combat longuement et âprement, le temps approche de l’accouchement. Dieu leur donne un fils, long d’une aune. Comme une aigle sur son aiglon, la Tzarine veille sur son fils. Elle envoie au Tzar un messager portant une lettre annonçant la grande joie.

Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, veulent perdre la Tzarine. Elles ordonnent d’arrêter le messager. Elles en envoient un autre, portant ceci, mot pour mot :

— Cette nuit, la Tzarine ne mit au monde ni un fils, ni une fille, ni une souris, ni une grenouille, mais un petit animal inconnu.

Quand le Tzar entendit ce que lui rapportait le messager, dans sa colère il vit rouge et voulut le faire pendre ; mais s’adoucissant pour cette fois, il lui donna l’ordre suivant :

— Que l’on attende le retour du Tzar pour décider légalement de l’affaire.

Le messager part avec la lettre. Il arrive enfin ; mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ordonnent de le dépouiller. On le fait boire jusqu’à ce qu’il tombe ivre-mort et dans sa giberne on glisse une autre lettre.

Ce jour-là, le messager ivre apporte l’ordre suivant :

— Le Tzar ordonne à ses boïars de jeter dans l’abîme des eaux, en secret et sans perdre de temps, la Tzarine et son enfant.

Il n’y avait pas à hésiter. Les boïars, après s’être affligés sur le sort de l’empereur et de la jeune Tzarine, entrèrent en foule dans sa chambre. Ils proclamèrent la volonté du Tzar, quel mauvais destin la frappait, elle et son fils, et lurent l’ordre à haute voix. Et l’on mit aussitôt la Tzarine et son fils dans un tonneau que l’on goudronna, que l’on roula et que l’on jeta dans l’Océan.

Ainsi l’ordonna le Tzar Saltane.

 

* * *

 

Les étoiles scintillent au ciel bleu. Les vagues se jouent sur la mer bleue. Un nuage glisse dans le ciel. Le tonneau flotte sur la mer.

Telle une veuve inconsolable, la Tzarine pleure et se débat.

Cependant l’enfant grandit, non de jour en jour, mais d’heure en heure.

Un jour passe. La Tzarine se lamente. L’enfant presse la vague :

— Vague, ô ma vague ! tu es libre et vagabonde, tu déferles à ton gré. Tu aiguises les pierres de la mer, tu inondes les rivages, tu soulèves les vaisseaux. N’abandonne pas nos âmes, jette-nous sur la terre ferme.

La vague obéit aussitôt. Elle poussa le tonneau vers une grève et se retira doucement.

La mère et son petit sont sauvés. Elle sent la terre sous elle. Mais qui les sortira du tonneau ? Dieu les délaissera-t-il ?

L’enfant se dresse sur ses petits pieds. Il appuie la tête contre le fond. Il pousse de toutes ses forces.

— Comment, dit-il, percer ici une fenêtre sur le dehors ? Il défonce le tonneau et sort.

La mère et le fils sont maintenant en liberté. Ils voient une colline s’élever au milieu d’une vaste prairie, la mer bleue est à l’entour et sur la colline pousse un chêne au vert feuillage.

Le fils pense, toutefois, qu’un bon dîner leur serait nécessaire. Il casse une branche du chêne et la plie en un arc rigide. Il prend le cordon de soie de sa croix baptismale, la tend sur l’arc de chêne, cueille une mince baguette, la taille en fléchette légère, et s’en va chercher du gibier, au bord du vallon, près de la mer.

À peine s’est-il approché de la mer qu’il perçoit comme une plainte... Sans doute la mer est-elle agitée ? Il regarde... Mauvaise affaire ! Un cygne se débat parmi les crêtes des vagues. Un vautour plane au-dessus de lui. Le malheureux frappe l’eau de ses ailes, la trouble, la fait bouillonner. Le vautour a déjà sorti ses griffes, il a tendu son bec sanglant...

À ce moment une flèche chante et se fiche au cou du vautour. Dans la mer le sang se répand.

Le Tzarévitch baisse son arc et regarde. Dans la mer, le vautour s’enfonce. Il se plaint d’un cri, qui n’est pas d’un vautour. À ses côtés nage le cygne. Il hâte à coups de bec sa mort toute proche. Il le frappe de l’aile. Dans la mer, il le noie.

En langue russe, il dit ensuite au Tzarévitch :

— Tzarévitch, mon sauveur, mon puissant libérateur, ne te chagrine pas si, par ma faute, tu restes trois jours sans manger ; si, par ma faute, la flèche s’est perdue dans la mer. C’est un malheur et ce n’en est pas un. Plus tard je te récompenserai, je te rendrai service.

« Ce n’est pas un cygne que tu as délivré, c’est une jeune vierge que tu as laissée parmi les vivants. Ce n’est pas un vautour que tu as tué, c’est un magicien que tu as mis à mort. Jamais je ne t’oublierai. Tu me trouveras partout. Et maintenant va, ne te chagrine pas et couche-toi. »

Le cygne s’envole. Le Tzarévitch et la Tzarine, après avoir passé tout le jour à jeun, se décident à se coucher ainsi.

Voici que le Tzarévitch ouvre les yeux et chasse les rêves de la nuit. Émerveillé, il voit devant lui une grande ville. Par delà de blanches murailles aux créneaux rapprochés, brillent les coupoles des églises et des saints monastères.

Il réveille bien vite la Tzarine. Celle-ci s’exclame :

— Aurais-je deviné ? dit-il. Je crois que c’est mon cygne qui se divertit.

La mère et le fils se dirigent vers la ville. À peine ont-ils franchi l’enceinte que s’élève de tous côtés un carillon étourdissant La foule se porte en masse au-devant d’eux. Le chœur chante à l’église les louanges de Dieu. En carrosses dorés, une cour somptueuse vint à leur rencontre. Tous leur rendent grand honneur. Ils couronnent le Tzarévitch d’un chapeau de prince. Ils le proclament souverain. Au sein de sa capitale, du consentement de la Tzarine, dès ce jour il règne sous le nom de prince Gvidone.

 

* * *

 

Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots. Les navigateurs étonnés se réunissent sur le pont.

Sur l’île bien connue, ils voient une merveille : une ville nouvelle aux coupoles dorées, un fort avec une puissante muraille. Au fort, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster. Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidone les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :

— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? et où vous dirigez-vous maintenant ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru la mer en entier. Nous avons fait le commerce des zibelines et des renards noirs. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en retourner droit vers l’Orient, par le large de l’île de Bouïane, dans l’empire de l’illustre Tzar Saltane.

Le prince leur dit alors :

— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tzar Saltane. Saluez-le de ma part.

Les marchands se remettent en route. Du rivage, le prince Gvidone, tout mélancolique, les regarde s’éloigner.

Voici que tout à coup, sur les eaux mouvantes, un cygne blanc apparaît.

— Bonjour, mon beau prince, dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?

Et tristement le prince lui répond :

— Un chagrin amer me ronge, il a brisé ma force. Je voudrais voir mon père.

— C’est ce qui te tourmente ? réplique le cygne au prince. Eh bien, écoute. Veux-tu t’envoler par-dessus la mer à la suite du navire ? Sois donc, prince, un moustique.

Et il bat des ailes, fait jaillir l’eau avec bruit, en éclabousse le prince des pieds à la tête. Celui-ci se rapetisse aussitôt jusqu’à ne plus être qu’un point, il se transforme en moustique et s’envole en susurrant. Il rattrape le navire en mer et s’y pose légèrement.

 

* * *

 

Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.

Les marchands descendent à terre. Le Tzar Saltane les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais.

Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête et une pensée mélancolique sur le visage, le Tzar Saltane est assis sur son trône.

La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont assises auprès du Tzar et le regardent dans les yeux. Le Tzar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :

— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? Et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde : Il y avait en mer une île abrupte, inhospitalière, inhabitée. Elle s’étendait en plaine déserte. Un seul chêne croissait sur elle. Et maintenant on y voit une ville nouvelle, avec un palais, des églises aux coupoles dorées, des palais et des jardins. Le prince Gvidone y règne. Il t’envoie son salut.

Le Tzar Saltane, émerveillé, murmure :

— Si je vis encore, j’irai vers l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidone.

Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse.

— Peuh ! quelle rareté, vraiment ! dit la cuisinière, en clignant malicieusement de l’œil aux deux autres. Une ville s’élève au bord de la mer ! Savez-vous, voici qui n’est pas une bagatelle : Un sapin se dresse dans une forêt. Au-dessous, un écureuil apprivoisé chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Voilà ce qu’on appelle une merveille !

Le Tzar Saltane s’étonne du prodige. Le moustique rage, rage... Il se pose sur l’œil droit de sa tante et la pique. La cuisinière pâlit, s’évanouit et devient borgne. Les serviteurs, la vieille mère et la sœur, à grands cris, cherchent à saisir le moustique.

— Maudite bestiole ! sors-tu ?... Mais lui, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage par delà les mers.

 

* * *

 

Le prince marche à nouveau le long de la mer. Il ne détache pas les yeux de la mer bleue. Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.

— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?

Et le prince Gvidone de répondre :

— Un chagrin amer me ronge. Je voudrais posséder une merveille étonnante. Quelque part dans une forêt se dresse un sapin. Sous lui est un écureuil, une merveille vraiment, et non une bagatelle ! Cet écureuil chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Mais peut-être n’est-ce qu’un mensonge.

Le cygne répond au prince :

— Ce que l’on conte de l’écureuil est vrai. Je connais cette merveille. Allons, mon prince, ma chère âme, ne te chagrine pas. Je suis heureux de pouvoir te rendre ce service en gage d’amitié.

L’âme réconfortée, le prince rentre chez lui. À peine s’est-il avancé dans la vaste cour qu’il aperçoit, sous un haut sapin, un écureuil qui, devant tous, casse de ses dents une noisette d’or, en retire l’émeraude, ramasse les coques, les range en petits tas réguliers et chante en sifflotant :

— Est-ce dans un jardin ou dans un potager...

Le prince Gvidone s’étonne.

— Merci, murmure-t-il. Eh ! quel écureuil ! Dieu lui donne, ainsi qu’à moi, de la gaieté au cœur !

Par la suite, le prince fit construire pour l’écureuil une maison de cristal, mit une garde à l’entour, et chargea un secrétaire de tenir un compte exact des noisettes.

Grand profit pour le prince, tout honneur pour l’écureuil.

 

* * *

 

Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte, au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster. Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidone les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :

— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? et où vous dirigez-vous maintenant ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Nous avons fait le commerce des chevaux, uniquement des poulains du Don. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en retourner par le large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Devant nous s’étend une longue route !

Le prince leur dit alors :

— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tzar Saltane. Et dites-lui que le prince Gvidone lui envoie son salut.

Les marchands quittèrent le prince, sortirent, et reprirent leur voyage.

Le prince se dirige vers la mer. Sur les vagues, déjà, le cygne se joue.

— Mon âme est attirée, elle est emportée, dit le prince.

Et de nouveau, en un instant, il l’éclabousse tout entier. Le prince se transforme en mouche. Il s’envole et, sur le navire, entre le ciel et la mer, il se pose. Il se blottit dans une fente.

 

* * *

 

Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.

Les marchands descendent à terre. Le Tzar Saltane les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais. Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête, et une pensée mélancolique sur le visage, le Tzar Saltane est assis sur son trône.

La filandière et Babarikla, ainsi que la cuisinière, sont assises auprès du Tzar et semblent de méchants crapauds.

Le Tzar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :

— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? Et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde. Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île, avec des églises aux Coupoles dorées, des palais et des jardins. Un sapin croît devant le palais. Sous lui s’érige une maison de cristal. Là, vit un écureuil apprivoisé. Quel espiègle ! Il chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Des serviteurs veillent sur l’écureuil, le servent de toutes façons. Un secrétaire de chancellerie lui est préposé, avec l’ordre de tenir un compte exact des noisettes. L’armée rend les honneurs à l’écureuil. Les coques sont coulées en pièces de monnaie que l’on met en circulation par tout l’univers. Des jeunes filles mettent les émeraudes en lieu sûr dans des celliers. Tous sont riches dans cette île. Plus d’isbas, mais partout des palais. Le prince Gvidone y règne. Il t’envoie son salut.

Le Tzar Saltane s’étonne du prodige.

— Si je vis encore, dit-il, j’irai voir l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidone.

Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse.

S’esclaffant sous cape, la filandière dit au Tzar :

— Qu’y a-t-il de merveilleux là dedans ? Voyons ! un écureuil grignote de petites pierres, jette de l’or et amoncelle des émeraudes. Il faut plus que cela pour nous étonner. Que ceci soit vrai ou faux, il est au monde une autre merveille : La mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et apparaissent sur la grève, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux. C’est une vraie merveille, on peut le dire en toute justice.

Sages, les marchands se taisent ; ils ne veulent pas discuter avec elle.

Le Tzar Saltane s’émerveille. Gvidone rage, rage... Il bourdonne et se pose sur l’œil gauche de sa tante, et la filandière blêmit.

— Aie ! et aussitôt elle devient borgne. Tous clament :

— Attrape! attrape! écrase-la! écrase-la!... Attends un peu, attends...

Mais le prince, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage, par delà les mers.

Le prince marche le long de la mer bleue. Il ne détache pas les yeux de la mer bleue.

Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.

— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?

Et le prince Gvidone de répondre :

— Un chagrin amer me ronge, je voudrais avoir dans mon apanage une merveille étonnante.

— Et quelle est cette merveille ?

— Où l’Océan se soulève houleux, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, apparaissent sur la grève, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux.

— C’est ce qui te tourmente ? réplique le cygne au prince. Ne te chagrine pas, mon âme. Je connais cette merveille. Ces chevaliers de la mer, mais ce sont mes propres frères. Ne t’attriste pas. Va, attends leur visite.

 

* * *

 

Oubliant son chagrin, le prince s’en alla, s’assit sur le haut d’une tour et se mit à contempler la mer. Tout à coup, la mer se soulève houleuse, se brise dans sa course fougueuse et laisse sur la grève trente-trois bogatyrs, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu. Ils s’avancent deux par deux. Tchernomore aux cheveux d’un gris d’argent marche en avant et les mène vers la ville.

Le prince Gvidone descend précipitamment de la tour, il marche à la rencontre de ses chers invités. Le peuple accourt en hâte. Tchernomore dit au prince :

— Le Cygne nous envoie vers toi et nous donne l’ordre exprès de veiller sur ton illustre ville et de monter la garde à l’entour. Tous les jours, désormais, sous tes hautes murailles, nous sortirons ensemble de l’onde marine. Ainsi nous nous reverrons bientôt. Il est temps pour nous de nous en retourner dans la mer. L’air de la terre nous est lourd.

Tous se retirèrent ensuite chez eux.

 

* * *

 

Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte, au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster.

Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidone les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :

— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? Et où vous dirigez-vous maintenant ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Nous avons fait le commerce de l’acier de Damas, de l’argent pur et de l’or. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en retourner par le large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Devant nous s’étend une longue route !

Le prince leur dit alors :

— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tzar Saltane, et dites-lui que le prince Gvidone lui envoie son salut.

Les marchands quittèrent le prince, sortirent et reprirent leur voyage.

Le prince se dirige vers la mer. Sur les vagues, déjà, le cygne se joue ; le prince lui dit encore :

— Mon âme est attirée, elle est emportée...

Encore en un clin d’œil, il l’éclabousse tout entier. Le prince aussitôt devient petit, petit... Il se transforme en bourdon et, bourdonnant, s’envole. Il rattrape le navire en mer, et se pose doucement sur sa poupe. Il se blottit dans une fente.

 

* * *

 

Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.

Les marchands descendent à terre. Le Tzar Saltane les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais.

Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête et une pensée mélancolique sur le visage, le Tzar Saltane est assis sur son trône.

La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont assises auprès du Tzar et le regardent de tous leurs yeux.

Le Tzar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :

— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde : Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île et tous les jours il s’y passe ce prodige : la mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et restent sur le rivage trente-trois bogatyrs, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur vieux gouverneur Tchernomore sort avec eux de la mer, il les fait avancer deux par deux, pour veiller sur l’île et monter la garde à l’entour. Il n’est pas de garde plus sûre, ni plus courageuse, ni plus vigilante. Le prince Gvidone règne là-bas. Il t’envoie son salut.

Le Tzar s’étonne du prodige.

— Si je vis encore, dit-il, j’irai voir l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidone.

La cuisinière et la filandière ne soufflent mot.

Mais Babarikla s’esclaffe :

— Qui nous étonnera avec ça ? dit-elle. Des hommes sortent de la mer. Ils errent en montant la garde ! Que ce soit vrai ou faux, je ne vois là rien d’extraordinaire. De ces merveilles le monde est plein ! En toute vérité, voici ce que l’on raconte : Il est, par delà les mers, une princesse si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance, majestueuse ; sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau. On peut dire en toute justice que c’est là une vraie merveille.

Sages, les marchands se taisent ; ils ne veulent pas discuter avec la vieille femme. Le Tzar Saltane s’émerveille. Le Tsarévitch, malgré sa colère, a pitié des yeux de sa vieille grand’mère.

Il tourne en bourdonnant autour d’elle, se pose droit sur son nez, et le pique ; une cloque surgit sur le nez.

Et de nouveau l’alarme jetée :

— Au secours, au nom de Dieu ! À la garde ! Attrape, Attrape ! écrase-le, écrase-le... Attends un peu, attends !...

Mais le bourdon, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage par delà les mers.

Le prince marche le long de la mer bleue. Il ne détache pas les yeux de la mer bleue.

Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.

— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?

Et le prince Gvidone de répondre :

— Un chagrin amer me ronge. Tous les hommes sont mariés. Je vois que moi seul je ne le suis pas.

— Et qui désires-tu ?

— Il y a, dit-on, de par le monde, une princesse si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance majestueuse, sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau. Mais quelle est la vérité ?

Le prince attend la réponse avec anxiété. Le cygne blanc se tait. Il réfléchit et dit :

— Oui ! Il est une telle jeune fille. Mais une femme n’est pas un gant. On ne peut la secouer de sa blanche main, on ne la passe pas dans sa ceinture. Je te donnerai ce conseil : réfléchis à tout ceci de peur de te repentir ensuite.

Le prince lui jure qu’il est temps pour lui de se marier, qu’il a déjà réfléchi à tout cela, et que, d’un cœur passionné, il est prêt à partir à la recherche de la belle princesse jusque dans la vingt-septième contrée.

Poussant un profond soupir, le cygne dit alors :

— Pourquoi si loin ? Sache que ta destinée est proche. Car cette princesse, c’est moi.

Puis il battit des ailes, s’envola au-dessus des vagues et du haut des airs descendit dans les buissons. Là, il secoua ses ailes et se transforma en princesse.

Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle s’avance majestueuse. Sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau.

Le prince embrasse la princesse, il la serre sur sa blanche poitrine. Bien vite il la mène auprès de sa mère. Il se jette à ses pieds et l’implore :

— Ô ma mère! Pour moi, j’ai choisi une femme; pour toi, une fille obéissante. Nous te prions tous deux de nous donner ton consentement et ta bénédiction. Bénis tes enfants, qu’ils vivent dans l’union et dans l’amour.

Sur leurs têtes soumises, la mère tient une icône miraculeuse. Elle pleure et leur dit :

— Dieu vous récompensera, mes enfants !

Sans faire de longs préparatifs, le prince épousa la princesse ; et ils se mirent à vivre au fil des jours dans l’attente d’un enfant.

 

* * *

 

Le vent se joue sur la mer, et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster.

Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidone les invite. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :

— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? Et où vous dirigez-vous maintenant ?

Les navigateurs de répondre :

— Nous avons parcouru le monde entier. Nous nous en retournons chez nous, vers l’Orient, par le large de l’île de Bouïane, dans l’empire de l’illustre Saltane. Devant nous s’étend une longue route.

Le prince leur dit alors :

— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tzar Saltane. Et rappelez à votre empereur qu’il a promis de venir me rendre visite. Jusqu’à présent il n’est pas encore venu. Je lui envoie mon salut.

Les navigateurs reprirent leur voyage. Cette fois, le prince Gvidone resta chez lui, il ne quitta pas sa femme.

 

* * *

 

Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltane. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.

Les marchands descendent à terre. Le Tzar Saltane les invite chez lui.

Dans son palais, le Tzar trône, la couronne sur la tête. La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla sont assises auprès du Tzar et regardent de tous leurs yeux.

Le Tzar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :

— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?

Les navigateurs de répondre :

— Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île, avec des églises aux coupoles dorées, des palais et des jardins. Un sapin croît devant le palais. Sous lui s’érige une maison de cristal. Là, vit un écureuil apprivoisé. Quel espiègle ! Il chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. On chérit l’écureuil, on le dorlote. — Il est là-bas encore une autre merveille. La mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et apparaissent sur la grève, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux. Il n’est pas de garde plus sûre, ni plus courageuse, ni plus vigilante. — Le prince a une femme si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Le prince Gvidone gouverne cette ville. Tous le louent hautement. Il t’envoie son salut. Il te reproche d’avoir promis de venir le voir et de ne pas l’avoir fait encore.

Le Tzar n’y peut plus tenir. Il ordonne d’armer une flotte.

La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse. Mais Saltane ne les écoute pas. Il les fait taire.

— Qui suis-je ? Un Tzar ou un enfant ? dit-il, et non pour plaisanter. Je partirai ce soir.

Puis il tapa des pieds et sortit en claquant des portes.

 

* * *

 

Le prince Gvidone est assis à la fenêtre. En silence il contemple la mer. Elle ne bruit ni ne déferle, elle tressaille à peine. Dans les lointains azurés apparaissent des navires. Sur les plaines de l’Océan glisse la flotte du Tzar Saltane. Le prince Gvidone sursaute alors, il s’écrie à haute voix :

— Ma mère ! Ma jeune princesse ! Regardez là-bas ! Mon père vient ici !

La flotte approche déjà de l’île. Le prince Gvidone prend sa lunette d’approche : le Tzar Saltane se tient sur le pont et le regarde avec une lunette. La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont avec lui ; elles s’étonnent à la vue de cette contrée nouvelle.

Les canons tonnent à l’unisson. Les carillons s’ébranlent dans toutes les églises...

Gvidone lui-même se rend au bord de la mer. Il y rencontre le Tzar, la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla. Il les mène vers la ville sans mot dire.

 

* * *

 

Tous se rendent maintenant au palais. À la porte, des cuirasses étincellent. Devant le Tzar se tiennent trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux.

Le Tzar s’avance dans la vaste cour. Là, sous un haut sapin, un écureuil chantonne. De ses dents il casse une noisette d’or, en retire l’émeraude et la glisse dans un petit sac. Toute la vaste cour est parsemée de coques d’or.

Les invités approchent. Ils se hâtent de regarder. Et que voient-ils ? Une merveilleuse princesse est devant eux. Une lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance, majestueuse ; sa démarche est celle d’une paonne.

Elle mène sa belle-mère. Le Tzar regarde — et reconnaît... Son cœur saute de joie !

— Que vois-je ? Qu’est-ce ? Comment ? et son souffle se suspend.

Le Tzar éclate en sanglots. Il serre dans ses bras la Tzarine, son fils et la jeune femme.

Tous prennent place à table et un joyeux festin commence.

La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, se cachèrent dans les coins. À grand-peine on les y trouva.

Alors, elles avouèrent toute la vérité, s’accusèrent, se mirent à sangloter. Vu la grande joie, le Tzar les laissa toutes trois s’en retourner chez elles.

Le jour prit fin. On coucha le Tzar Saltane à demi saoul.

J’y étais. Je bus l’hydromel et la bière, mais je ne fis qu’y tremper mes moustaches.

Traduit par E. Vivier-Kousnetzoff
(Contes de Pouchkine. Paris, R. Kieffer, 1925.)

Александр Пушкин
Сказка о царе Салтане

Сказка о царе Салтане, о сыне его славном и могучем богатыре князе Гвидоне Салтановиче и о прекрасной царевне Лебеди

Три девицы под окном
Пряли поздно вечерком.
«Кабы я была царица, —
Говорит одна девица, —
То на весь крещеный мир
Приготовила б я пир».
«Кабы я была царица, —
Говорит ее сестрица, —
То на весь бы мир одна
Наткала я полотна».
«Кабы я была царица, —
Третья молвила сестрица, —
Я б для батюшки-царя
Родила богатыря».
Только вымолвить успела,
Дверь тихонько заскрыпела,
И в светлицу входит царь,
Стороны той государь.
Во всё время разговора
Он стоял позадь забора;
Речь последней по всему
Полюбилася ему.
«Здравствуй, красная девица, —
Говорит он, — будь царица
И роди богатыря
Мне к исходу сентября.
Вы ж, голубушки-сестрицы,
Выбирайтесь из светлицы,
Поезжайте вслед за мной,
Вслед за мной и за сестрой:
Будь одна из вас ткачиха,
А другая повариха».
В сени вышел царь-отец.
Все пустились во дворец.
Царь недолго собирался:
В тот же вечер обвенчался.
Царь Салтан за пир честной
Сел с царицей молодой;
А потом честные гости
На кровать слоновой кости
Положили молодых
И оставили одних.
В кухне злится повариха,
Плачет у станка ткачиха,
И завидуют оне
Государевой жене.
А царица молодая,
Дела вдаль не отлагая,
С первой ночи понесла.
В те поры война была.
Царь Салтан, с женой простяся,
На добра-коня садяся,
Ей наказывал себя
Поберечь, его любя.
Между тем, как он далёко
Бьется долго и жестоко,
Наступает срок родин;
Сына бог им дал в аршин,
И царица над ребенком
Как орлица над орленком;
Шлет с письмом она гонца,
Чтоб обрадовать отца.
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Извести ее хотят,
Перенять гонца велят;
Сами шлют гонца другого
Вот с чем от слова до слова:
«Родила царица в ночь
Не то сына, не то дочь;
Не мышонка, не лягушку,
А неведому зверюшку».
Как услышал царь-отец,
Что донес ему гонец,
В гневе начал он чудесить
И гонца хотел повесить;
Но, смягчившись на сей раз,
Дал гонцу такой приказ:
«Ждать царева возвращенья
Для законного решенья».
Едет с грамотой гонец,
И приехал наконец.
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Обобрать его велят;
Допьяна гонца поят
И в суму его пустую
Суют грамоту другую —
И привез гонец хмельной
В тот же день приказ такой:
«Царь велит своим боярам,
Времени не тратя даром,
И царицу и приплод
Тайно бросить в бездну вод».
Делать нечего: бояре,
Потужив о государе
И царице молодой,
В спальню к ней пришли толпой.
Объявили царску волю —
Ей и сыну злую долю,
Прочитали вслух указ,
И царицу в тот же час
В бочку с сыном посадили,
Засмолили, покатили
И пустили в Окиян —
Так велел-де царь Салтан.
В синем небе звезды блещут,
В синем море волны хлещут;
Туча по небу идет,
Бочка по морю плывет.
Словно горькая вдовица,
Плачет, бьется в ней царица;
И растет ребенок там
Не по дням, а по часам.
День прошел, царица вопит...
А дитя волну торопит:
«Ты, волна моя, волна!
Ты гульлива и вольна;
Плещешь ты, куда захочешь,
Ты морские камни точишь,
Топишь берег ты земли,
Подымаешь корабли —
Не губи ты нашу душу:
Выплесни ты нас на сушу!»
И послушалась волна:
Тут же на берег она
Бочку вынесла легонько
И отхлынула тихонько.
Мать с младенцем спасена;
Землю чувствует она.
Но из бочки кто их вынет?
Бог неужто их покинет?
Сын на ножки поднялся,
В дно головкой уперся,
Понатужился немножко:
«Как бы здесь на двор окошко
Нам проделать?» — молвил он,
Вышиб дно и вышел вон.
Мать и сын теперь на воле;
Видят холм в широком поле,
Море синее кругом,
Дуб зеленый над холмом.
Сын подумал: добрый ужин
Был бы нам, однако, нужен.
Ломит он у дуба сук
И в тугой сгибает лук,
Со креста снурок шелковый
Натянул на лук дубовый,
Тонку тросточку сломил,
Стрелкой легкой завострил
И пошел на край долины
У моря искать дичины.
К морю лишь подходит он,
Вот и слышит будто стон...
Видно на́ море не тихо;
Смотрит — видит дело лихо:
Бьется лебедь средь зыбей,
Коршун носится над ней;
Та бедняжка так и плещет,
Воду вкруг мутит и хлещет...
Тот уж когти распустил,
Клёв кровавый навострил...
Но как раз стрела запела,
В шею коршуна задела —
Коршун в море кровь пролил,
Лук царевич опустил;
Смотрит: коршун в море тонет
И не птичьим криком стонет,
Лебедь около плывет,
Злого коршуна клюет,
Гибель близкую торопит,
Бьет крылом и в море топит —
И царевичу потом
Молвит русским языком:
«Ты, царевич, мой спаситель,
Мой могучий избавитель,
Не тужи, что за меня
Есть не будешь ты три дня,
Что стрела пропала в море;
Это горе — всё не горе.
Отплачу тебе добром,
Сослужу тебе потом:
Ты не лебедь ведь избавил,
Девицу в живых оставил;
Ты не коршуна убил,
Чародея подстрелил.
Ввек тебя я не забуду:
Ты найдешь меня повсюду,
А теперь ты воротись,
Не горюй и спать ложись».
Улетела лебедь-птица,
А царевич и царица,
Целый день проведши так,
Лечь решились на тощак.
Вот открыл царевич очи;
Отрясая грезы ночи
И дивясь, перед собой
Видит город он большой,
Стены с частыми зубцами,
И за белыми стенами
Блещут маковки церквей
И святых монастырей.
Он скорей царицу будит;
Та как ахнет!.. «То ли будет? —
Говорит он, — вижу я:
Лебедь тешится моя».
Мать и сын идут ко граду.
Лишь ступили за ограду,
Оглушительный трезвон
Поднялся со всех сторон:
К ним народ навстречу валит,
Хор церковный бога хвалит;
В колымагах золотых
Пышный двор встречает их;
Все их громко величают
И царевича венчают
Княжей шапкой, и главой
Возглашают над собой;
И среди своей столицы,
С разрешения царицы,
В тот же день стал княжить он
И нарекся: князь Гвидон.
Ветер на море гуляет
И кораблик подгоняет;
Он бежит себе в волнах
На раздутых парусах.
Корабельщики дивятся,
На кораблике толпятся,
На знакомом острову
Чудо видят наяву:
Город новый златоглавый,
Пристань с крепкою заставой;
Пушки с пристани палят,
Кораблю пристать велят.
Пристают к заставе гости;
Князь Гвидон зовет их в гости,
Их он кормит и поит
И ответ держать велит:
«Чем вы, гости, торг ведете
И куда теперь плывете?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет,
Торговали соболями,
Чернобурыми лисами;
А теперь нам вышел срок,
Едем прямо на восток,
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана...»
Князь им вымолвил тогда:
«Добрый путь вам, господа,
По морю по Окияну
К славному царю Салтану;
От меня ему поклон».
Гости в путь, а князь Гвидон
С берега душой печальной
Провожает бег их дальный;
Глядь — поверх текучих вод
Лебедь белая плывет.
«Здравствуй, князь ты мой прекрасный!
Что ты тих, как день ненастный?
Опечалился чему?» —
Говорит она ему.
Князь печально отвечает:
«Грусть-тоска меня съедает,
Одолела молодца:
Видеть я б хотел отца».
Лебедь князю: «Вот в чем горе!
Ну, послушай: хочешь в море
Полететь за кораблем?
Будь же, князь, ты комаром».
И крылами замахала,
Воду с шумом расплескала
И обрызгала его
С головы до ног всего.
Тут он в точку уменьшился,
Комаром оборотился,
Полетел и запищал,
Судно на море догнал,
Потихоньку опустился
На корабль — и в щель забился.
Ветер весело шумит,
Судно весело бежит
Мимо острова Буяна,
К царству славного Салтана,
И желанная страна
Вот уж издали видна.
Вот на берег вышли гости;
Царь Салтан зовет их в гости,
И за ними во дворец
Полетел наш удалец.
Видит: весь сияя в злате,
Царь Салтан сидит в палате
На престоле и в венце
С грустной думой на лице;
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Около царя сидят
И в глаза ему глядят.
Царь Салтан гостей сажает
За свой стол и вопрошает:
«Ой вы, гости-господа,
Долго ль ездили? куда?
Ладно ль за морем, иль худо?
И какое в свете чудо?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет;
За морем житье не худо,
В свете ж вот какое чудо:
В море остров был крутой,
Не привальный, не жилой;
Он лежал пустой равниной;
Рос на нем дубок единый;
А теперь стоит на нем
Новый город со дворцом,
С златоглавыми церквами,
С теремами и садами,
А сидит в нем князь Гвидон;
Он прислал тебе поклон».
Царь Салтан дивится чуду;
Молвит он: «Коль жив я буду,
Чудный остров навещу,
У Гвидона погощу».
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Не хотят его пустить
Чудный остров навестить.
«Уж диковинка, ну право, —
Подмигнув другим лукаво,
Повариха говорит, —
Город у моря стоит!
Знайте, вот что не безделка:
Ель в лесу, под елью белка,
Белка песенки поет
И орешки всё грызет,
А орешки не простые,
Всё скорлупки золотые,
Ядра — чистый изумруд;
Вот что чудом-то зовут».
Чуду царь Салтан дивится,
А комар-то злится, злится—
И впился комар как раз
Тетке прямо в правый глаз.
Повариха побледнела,
Обмерла и окривела.
Слуги, сватья и сестра
С криком ловят комара.
«Распроклятая ты мошка!
Мы тебя!..» А он в окошко,
Да спокойно в свой удел
Через море полетел.
Снова князь у моря ходит,
С синя моря глаз не сводит;
Глядь — поверх текучих вод
Лебедь белая плывет.
«Здравствуй, князь ты мой прекрасный!
Что ж ты тих, как день ненастный?
Опечалился чему?« —
Говорит она ему.
Князь Гвидон ей отвечает:
«Грусть-тоска меня съедает;
Чудо чудное завесть
Мне б хотелось. Где-то есть
Ель в лесу, под елью белка;
Диво, право, не безделка—
Белка песенки поет,
Да орешки всё грызет,
А орешки не простые,
Всё скорлупки золотые,
Ядра — чистый изумруд;
Но, быть может, люди врут».
Князю лебедь отвечает:
«Свет о белке правду бает;
Это чудо знаю я;
Полно, князь, душа моя,
Не печалься; рада службу
Оказать тебе я в дружбу».
С ободренною душой
Князь пошел себе домой;
Лишь ступил на двор широкий —
Что ж? под елкою высокой,
Видит, белочка при всех
Золотой грызет орех,
Изумрудец вынимает,
А скорлупку собирает,
Кучки равные кладет
И с присвисточкой поет
При честном при всем народе:
Во саду ли, в огороде.
Изумился князь Гвидон.
«Ну, спасибо, — молвил он, —
Ай да лебедь — дай ей боже,
Что и мне, веселье то же».
Князь для белочки потом
Выстроил хрустальный дом,
Караул к нему приставил
И притом дьяка заставил
Строгий счет орехам весть.
Князю прибыль, белке честь.
Ветер по морю гуляет
И кораблик подгоняет;
Он бежит себе в волнах
На поднятых парусах
Мимо острова крутого,
Мимо города большого:
Пушки с пристани палят,
Кораблю пристать велят.
Пристают к заставе гости;
Князь Гвидон зовет их в гости,
Их и кормит и поит
И ответ держать велит:
«Чем вы, гости, торг ведете
И куда теперь плывете?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет,
Торговали мы конями,
Всё донскими жеребцами,
А теперь нам вышел срок—
И лежит нам путь далек:
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана...»
Говорит им князь тогда:
«Добрый путь вам, господа,
По морю по Окияну
К славному царю Салтану;
Да скажите: князь Гвидон
Шлет царю-де свой поклон».
Гости князю поклонились,
Вышли вон и в путь пустились.
К морю князь — а лебедь там
Уж гуляет по волнам.
Молит князь: душа-де просит,
Так и тянет и уносит...
Вот опять она его
Вмиг обрызгала всего:
В муху князь оборотился,
Полетел и опустился
Между моря и небес
На корабль — и в щель залез.
Ветер весело шумит,
Судно весело бежит
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана—
И желанная страна
Вот уж издали видна;
Вот на берег вышли гости;
Царь Салтан зовет их в гости,
И за ними во дворец
Полетел наш удалец.
Видит: весь сияя в злате,
Царь Салтан сидит в палате
На престоле и в венце,
С грустной думой на лице.
А ткачиха с Бабарихой
Да с кривою поварихой
Около царя сидят,
Злыми жабами глядят.
Царь Салтан гостей сажает
За свой стол и вопрошает:
«Ой вы, гости-господа,
Долго ль ездили? куда?
Ладно ль за морем, иль худо,
И какое в свете чудо?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет;
За морем житье не худо;
В свете ж вот какое чудо:
Остров на море лежит,
Град на острове стоит
С златоглавыми церквами,
С теремами да садами;
Ель растет перед дворцом,
А под ней хрустальный дом;
Белка там живет ручная,
Да затейница какая!
Белка песенки поет,
Да орешки всё грызет,
А орешки не простые,
Всё скорлупки золотые,
Ядра — чистый изумруд;
Слуги белку стерегут,
Служат ей прислугой разной—
И приставлен дьяк приказный
Строгий счет орехам весть;
Отдает ей войско честь;
Из скорлупок льют монету,
Да пускают в ход по свету;
Девки сыплют изумруд
В кладовые, да под спуд;
Все в том острове богаты,
Изоб нет, везде палаты;
А сидит в нем князь Гвидон;
Он прислал тебе поклон».
Царь Салтан дивится чуду.
«Если только жив я буду,
Чудный остров навещу,
У Гвидона погощу».
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Не хотят его пустить
Чудный остров навестить.
Усмехнувшись исподтиха,
Говорит царю ткачиха:
«Что тут дивного? ну, вот!
Белка камушки грызет,
Мечет золото и в груды
Загребает изумруды;
Этим нас не удивишь,
Правду ль, нет ли говоришь.
В свете есть иное диво:
Море вздуется бурливо,
Закипит, подымет вой,
Хлынет на берег пустой,
Разольется в шумном беге,
И очутятся на бреге,
В чешуе, как жар горя,
Тридцать три богатыря,
Все красавцы удалые,
Великаны молодые,
Все равны, как на подбор,
С ними дядька Черномор.
Это диво, так уж диво,
Можно молвить справедливо!»
Гости умные молчат,
Спорить с нею не хотят.
Диву царь Салтан дивится,
А Гвидон-то злится, злится...
Зажужжал он и как раз
Тетке сел на левый глаз,
И ткачиха побледнела:
«Ай!» и тут же окривела;
Все кричат: «Лови, лови,
Да дави ее, дави...
Вот ужо! постой немножко,
Погоди...» А князь в окошко,
Да спокойно в свой удел
Через море прилетел.
Князь у синя моря ходит,
С синя моря глаз не сводит;
Глядь — поверх текучих вод
Лебедь белая плывет.
«Здравствуй, князь ты мой прекрасный!
Что ты тих, как день ненастный?
Опечалился чему?» —
Говорит она ему.
Князь Гвидон ей отвечает:
«Грусть-тоска меня съедает—
Диво б дивное хотел
Перенесть я в мой удел».
«А какое ж это диво?»
— Где-то вздуется бурливо
Окиян, подымет вой,
Хлынет на берег пустой,
Расплеснется в шумном беге,
И очутятся на бреге,
В чешуе, как жар горя,
Тридцать три богатыря,
Все красавцы молодые,
Великаны удалые,
Все равны, как на подбор,
С ними дядька Черномор.
Князю лебедь отвечает:
«Вот что, князь, тебя смущает?
Не тужи, душа моя,
Это чудо знаю я.
Эти витязи морские
Мне ведь братья все родные.
Не печалься же, ступай,
В гости братцев поджидай».
Князь пошел, забывши горе,
Сел на башню, и на море
Стал глядеть он; море вдруг
Всколыхалося вокруг,
Расплескалось в шумном беге
И оставило на бреге
Тридцать три богатыря;
В чешуе, как жар горя,
Идут витязи четами,
И, блистая сединами,
Дядька впереди идет
И ко граду их ведет.
С башни князь Гвидон сбегает,
Дорогих гостей встречает;
Второпях народ бежит;
Дядька князю говорит:
«Лебедь нас к тебе послала
И наказом наказала
Славный город твой хранить
И дозором обходить.
Мы отныне ежеденно
Вместе будем непременно
У высоких стен твоих
Выходить из вод морских,
Так увидимся мы вскоре,
А теперь пора нам в море;
Тяжек воздух нам земли».
Все потом домой ушли.
Ветер по морю гуляет
И кораблик подгоняет;
Он бежит себе в волнах
На поднятых парусах
Мимо острова крутого,
Мимо города большого;
Пушки с пристани палят,
Кораблю пристать велят.
Пристают к заставе гости.
Князь Гвидон зовет их в гости,
Их и кормит и поит
И ответ держать велит:
«Чем вы, гости, торг ведете?
И куда теперь плывете?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет;
Торговали мы булатом,
Чистым серебром и златом,
И теперь нам вышел срок;
А лежит нам путь далек,
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана».
Говорит им князь тогда:
«Добрый путь вам, господа,
По морю по Окияну
К славному царю Салтану.
Да скажите ж: князь Гвидон
Шлет-де свой царю поклон».
Гости князю поклонились,
Вышли вон и в путь пустились.
К морю князь, а лебедь там
Уж гуляет по волнам.
Князь опять: душа-де просит...
Так и тянет и уносит...
И опять она его
Вмиг обрызгала всего.
Тут он очень уменьшился,
Шмелем князь оборотился,
Полетел и зажужжал;
Судно на море догнал,
Потихоньку опустился
На корму — и в щель забился.
Ветер весело шумит,
Судно весело бежит
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана,
И желанная страна
Вот уж издали видна.
Вот на берег вышли гости.
Царь Салтан зовет их в гости,
И за ними во дворец
Полетел наш удалец.
Видит, весь сияя в злате,
Царь Салтан сидит в палате
На престоле и в венце,
С грустной думой на лице.
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Около царя сидят—
Четырьмя все три глядят.
Царь Салтан гостей сажает
За свой стол и вопрошает:
«Ой вы, гости-господа,
Долго ль ездили? куда?
Ладно ль за морем иль худо?
И какое в свете чудо?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет;
За морем житье не худо;
В свете ж вот какое чудо:
Остров на море лежит,
Град на острове стоит,
Каждый день идет там диво:
Море вздуется бурливо,
Закипит, подымет вой,
Хлынет на берег пустой,
Расплеснется в скором беге—
И останутся на бреге
Тридцать три богатыря,
В чешуе златой горя,
Все красавцы молодые,
Великаны удалые,
Все равны, как на подбор;
Старый дядька Черномор
С ними из моря выходит
И попарно их выводит,
Чтобы остров тот хранить
И дозором обходить —
И той стражи нет надежней,
Ни храбрее, ни прилежней.
А сидит там князь Гвидон;
Он прислал тебе поклон».
Царь Салтан дивится чуду.
«Коли жив я только буду,
Чудный остров навещу
И у князя погощу».
Повариха и ткачиха
Ни гугу — но Бабариха
Усмехнувшись говорит:
«Кто нас этим удивит?
Люди из моря выходят
И себе дозором бродят!
Правду ль бают, или лгут,
Дива я не вижу тут.
В свете есть такие ль дива?
Вот идет молва правдива:
За морем царевна есть,
Что не можно глаз отвесть:
Днем свет божий затмевает,
Ночью землю освещает,
Месяц под косой блестит,
А во лбу звезда горит.
А сама-то величава,
Выплывает, будто пава;
А как речь-то говорит,
Словно реченька журчит.
Молвить можно справедливо,
Это диво, так уж диво».
Гости умные молчат:
Спорить с бабой не хотят.
Чуду царь Салтан дивится —
А царевич хоть и злится,
Но жалеет он очей
Старой бабушки своей:
Он над ней жужжит, кружится —
Прямо на нос к ней садится,
Нос ужалил богатырь:
На носу вскочил волдырь.
И опять пошла тревога:
«Помогите, ради бога!
Караул! лови, лови,
Да дави его, дави...
Вот ужо! пожди немножко,
Погоди!..» А шмель в окошко,
Да спокойно в свой удел
Через море полетел.
Князь у синя моря ходит,
С синя моря глаз не сводит;
Глядь — поверх текучих вод
Лебедь белая плывет.
«Здравствуй, князь ты мой прекрасный!
Что ж ты тих, как день ненастный?
Опечалился чему?» —
Говорит она ему.
Князь Гвидон ей отвечает:
«Грусть-тоска меня съедает:
Люди женятся; гляжу,
Неженат лишь я хожу».
— А кого же на примете
Ты имеешь? — «Да на свете,
Говорят, царевна есть,
Что не можно глаз отвесть.
Днем свет божий затмевает,
Ночью землю освещает—
Месяц под косой блестит,
А во лбу звезда горит.
А сама-то величава,
Выступает, будто пава;
Сладку речь-то говорит,
Будто реченька журчит.
Только, полно, правда ль это?»
Князь со страхом ждет ответа.
Лебедь белая молчит
И, подумав, говорит:
«Да! такая есть девица.
Но жена не рукавица:
С белой ручки не стряхнешь,
Да за пояс не заткнешь.
Услужу тебе советом —
Слушай: обо всем об этом
Пораздумай ты путем,
Не раскаяться б потом».
Князь пред нею стал божиться,
Что пора ему жениться,
Что об этом обо всем
Передумал он путем;
Что готов душою страстной
За царевною прекрасной
Он пешком идти отсель
Хоть за тридевять земель.
Лебедь тут, вздохнув глубоко,
Молвила: «Зачем далёко?
Знай, близка судьба твоя,
Ведь царевна эта — я».
Тут она, взмахнув крылами,
Полетела над волнами
И на берег с высоты
Опустилася в кусты,
Встрепенулась, отряхнулась
И царевной обернулась:
Месяц под косой блестит,
А во лбу звезда горит;
А сама-то величава,
Выступает, будто пава;
А как речь-то говорит,
Словно реченька журчит.
Князь царевну обнимает,
К белой груди прижимает
И ведет ее скорей
К милой матушки своей.
Князь ей в ноги, умоляя:
«Государыня-родная!
Выбрал я жену себе,
Дочь послушную тебе,
Просим оба разрешенья,
Твоего благословенья:
Ты детей благослови
Жить в совете и любви».
Над главою их покорной
Мать с иконой чудотворной
Слезы льет и говорит:
«Бог вас, дети, наградит».
Князь не долго собирался,
На царевне обвенчался;
Стали жить да поживать,
Да приплода поджидать.
Ветер по морю гуляет
И кораблик подгоняет;
Он бежит себе в волнах
На раздутых парусах
Мимо острова крутого,
Мимо города большого;
Пушки с пристани палят,
Кораблю пристать велят.
Пристают к заставе гости.
Князь Гвидон зовет их в гости,
Он их кормит и поит
И ответ держать велит:
«Чем вы, гости, торг ведете
И куда теперь плывете?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет,
Торговали мы недаром
Неуказанным товаром;
А лежит нам путь далек:
Восвояси на восток,
Мимо острова Буяна,
В царство славного Салтана».
Князь им вымолвил тогда:
«Добрый путь вам, господа,
По морю по Окияну
К славному дарю Салтану;
Да напомните ему,
Государю своему:
К нам он в гости обещался,
А доселе не собрался—
Шлю ему я свой поклон».
Гости в путь, а князь Гвидон
Дома на сей раз остался
И с женою не расстался.
Ветер весело шумит,
Судно весело бежит
Мимо острова Буяна
К царству славного Салтана,
И знакомая страна
Вот уж издали видна.
Вот на берег вышли гости.
Царь Салтан зовет их в гости.
Гости видят: во дворце
Царь сидит в своем венце,
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Около царя сидят,
Четырьмя все три глядят.
Царь Салтан гостей сажает
За свой стол и вопрошает:
«Ой вы, гости-господа,
Долго ль ездили? куда?
Ладно ль за морем, иль худо?
И какое в свете чудо?»
Корабельщики в ответ:
«Мы объехали весь свет;
За морем житье не худо,
В свете ж вот какое чудо:
Остров на море лежит,
Град на острове стоит,
С златоглавыми церквами,
С теремами и садами;
Ель растет перед дворцом,
А под ней хрустальный дом;
Белка в нем живет ручная,
Да чудесница какая!
Белка песенки поет
Да орешки всё грызет;
А орешки не простые,
Скорлупы-то золотые,
Ядра — чистый изумруд;
Белку холят, берегут.
Там еще другое диво:
Море вздуется бурливо,
Закипит, подымет вой,
Хлынет на берег пустой,
Расплеснется в скором беге,
И очутятся на бреге,
В чешуе, как жар горя,
Тридцать три богатыря,
Все красавцы удалые,
Великаны молодые,
Все равны, как на подбор—
С ними дядька Черномор.
И той стражи нет надежней,
Ни храбрее, ни прилежней.
А у князя женка есть,
Что не можно глаз отвесть:
Днем свет божий затмевает,
Ночью землю освещает;
Месяц под косой блестит,
А во лбу звезда горит.
Князь Гвидон тот город правит,
Всяк его усердно славит;
Он прислал тебе поклон,
Да тебе пеняет он:
К нам-де в гости обещался,
А доселе не собрался».
Тут уж царь не утерпел,
Снарядить он флот велел.
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Не хотят царя пустить
Чудный остров навестить.
Но Салтан им не внимает
И как раз их унимает:
«Что я? царь или дитя? —
Говорит он не шутя: —
Нынче ж еду!» — Тут он топнул,
Вышел вон и дверью хлопнул.
Под окном Гвидон сидит,
Молча на море глядит:
Не шумит оно, не хлещет,
Лишь едва, едва трепещет,
И в лазоревой дали
Показались корабли:
По равнинам Окияна
Едет флот царя Салтана.
Князь Гвидон тогда вскочил,
Громогласно возопил:
«Матушка моя родная!
Ты, княгиня молодая!
Посмотрите вы туда:
Едет батюшка сюда».
Флот уж к острову подходит.
Князь Гвидон трубу наводит:
Царь на палубе стоит
И в трубу на них глядит;
С ним ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой;
Удивляются оне
Незнакомой стороне.
Разом пушки запалили;
В колокольнях зазвонили;
К морю сам идет Гвидон;
Там царя встречает он
С поварихой и ткачихой,
С сватьей бабой Бабарихой;
В город он повел царя,
Ничего не говоря.
Все теперь идут в палаты:
У ворот блистают латы,
И стоят в глазах царя
Тридцать три богатыря,
Все красавцы молодые,
Великаны удалые,
Все равны, как на подбор,
С ними дядька Черномор.
Царь ступил на двор широкой:
Там под елкою высокой
Белка песенку поет,
Золотой орех грызет,
Изумрудец вынимает
И в мешечек опускает;
И засеян двор большой
Золотою скорлупой.
Гости дале — торопливо
Смотрят — что ж? княгиня — диво:
Под косой луна блестит,
А во лбу звезда горит;
А сама-то величава,
Выступает, будто пава,
И свекровь свою ведет.
Царь глядит — и узнает...
В нем взыграло ретивое!
«Что я вижу? что такое?
Как!» — и дух в нем занялся...
Царь слезами залился,
Обнимает он царицу,
И сынка, и молодицу,
И садятся все за стол;
И веселый пир пошел.
А ткачиха с поварихой,
С сватьей бабой Бабарихой,
Разбежались по углам;
Их нашли насилу там.
Тут во всем они признались,
Повинились, разрыдались;
Царь для радости такой
Отпустил всех трех домой.
День прошел — царя Салтана
Уложили спать вполпьяна.
Я там был; мед, пиво пил —
И усы лишь обмочил.

Стихотворение Александра Пушкина «Сказка о царе Салтане» на французском.
(Alexander Pushkin in french).