Alexandre Pouchkine
Conte de la princesse morte et des sept chevaliers

Le tzar a quitté la tzarine. Il s’est équipé pour la route. Seule, restant assise à la fenêtre, la tzarine l’attend. Elle attend, et attend, du matin à la nuit. Si longuement elle contemple la plaine, de l’aube blanche jusqu’au soir, que de regarder ainsi les yeux lui font mal.

Elle ne voit pas son ami cher ! Elle voit seulement la neige qui tourbillonne, la neige qui s’accumule sur la plaine, la terre toute blanche.

Neuf mois se passent. Elle ne quitte pas des yeux la plaine. Et voici que la nuit même de Noël, Dieu donne une fille à la tzarine.

Le matin, de très bonne heure, l’hôte jour et nuit désiré, si longuement attendu, le tzar, le père, arrive enfin. Elle le regarde, pousse un soupir profond, ne peut supporter son ravissement et meurt à l’heure de la messe.

Longtemps le tzar fut inconsolable. Mais que faire ? Lui aussi connaissait le péché.

Un an passa comme un songe creux, le tzar en épousa une autre.

À vrai dire, la tzarine était une fort belle femme, grande, élancée, blanche, intelligente, très douée, mais d’autre part, orgueilleuse, hautaine, capricieuse et jalouse.

Elle avait reçu pour dot un petit miroir. Ce petit miroir avait la propriété de parler. Avec lui seul, elle était gaie, de bonne humeur. Avec lui seul elle plaisantait, et se composant le visage :

— Miroir, ma lumière ! lui disait-elle, reflète-moi bien la vérité. Suis-je au monde la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes ?

Et le miroir de répondre :

— Sans conteste, ô tzarine, tu es la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes.

Et la tzarine se mettait à rire, à hausser les épaules, à cligner des yeux, à claquer des doigts, à se cambrer, les mains sur les hanches, en se contemplant orgueilleusement dans le miroir.

 

* * *

 

Cependant, la jeune princesse s’épanouissait en silence. Elle grandissait, grandissait... elle s’élançait comme une fleur, très blanche de visage, aux sourcils noirs, de caractère très doux.

Il se trouva pour elle un fiancé, le prince Élysée. L’ambassadeur arriva. Le tzar donna sa parole. La dot, déjà prête, était de sept villes marchandes et de cent quarante palais.

La tzarine se prépare à la veillée des noces. Devant son miroir, elle lui parle :

— Suis-je, dis-moi, la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes ?

Quelle ne fut la réponse du miroir !

— Tu es belle, sans conteste, mais la princesse est la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes.

La tzarine de sursauter, de lever la main sur le miroir, de le frapper, de taper du pied.

— Ah ! maudite glace ! tu mens pour me mettre en rage. Comment pourrait-elle rivaliser avec moi ? Je la materai ! Ah ! c’est ainsi qu’elle devint en grandissant ! Quoi d’étonnant à ce qu’elle soit si blanche ; lorsque sa mère la portait en son sein, elle restait toujours assise à regarder la neige ! Mais dis-moi. Comment peut-elle me surpasser en tout ? Allons, avoue que je suis la plus belle des femmes. Tu peux parcourir notre empire, le monde entier, même, tu n’en trouveras pas de pareille à moi, n’est-ce pas ?

Mais le miroir de répondre :

— Toutefois la princesse est plus belle, plus blanche et plus rose que toi.

Que faire ? Remplie d’une jalousie noire, elle jette le miroir sous un banc, fait venir sa fille de chambre, la Noiraude, et lui ordonne d’emmener la princesse tout au fin fond des bois, de la lier vivante au tronc d’un sapin et de l’abandonner à la merci des loups.

Le diable viendrait-il à bout d’une femme en colère ?

Il n’y avait pas à discuter. La Noiraude partit dans la forêt avec la princesse et la mena si loin que celle-ci devina. Mourant de peur, elle se mit à implorer la servante.

— Ma vie ! dis-moi, en quoi suis-je coupable ? Ne me perds pas, jeune fille ! Quand je serai tzarine, je te récompenserai.

La Noiraude, qui du fond du cœur aimait la princesse, ne la tua pas, ne la ligota pas, mais la laissa partir en disant :

— Ne te chagrine pas. Que Dieu te garde !

Elle revint à la maison.

— Eh bien ! lui demanda la tzarine. Qu’as-tu fait de cette jeune beauté ?

— Elle se tient seule, là-bas, dans la forêt, répondit la servante, ses cordes sont fortement liées ; ainsi, quand elle tombera dans les griffes d’un fauve, elle aura moins à souffrir et mourra plus facilement.

 

* * *

 

Partout la renommée clame : « La fille du tzar a disparu ! »

Le pauvre tzar se lamente.

Le prince Élysée, ayant ardemment prié Dieu, se met en route après sa belle âme, après sa jeune fiancée.

 

* * *

 

Cependant la jeune fiancée, ayant, jusqu’à l’aube, erré dans la forêt, marchait toujours, lorsqu’elle se trouva soudain devant un manoir. Un chien courut à sa rencontre en aboyant, puis il se tut et se mit à jouer.

Elle franchit la porte. Dans la cour régnait le silence. Le chien courait après elle en la caressant. La princesse, relevant sa robe, gravit le perron, prit et tourna l’anneau.

La porte s’ouvrit doucement. La princesse se trouva dans une chambre très claire. Tout au long des murs, des bancs couverts de tapis. Sous les Icônes saintes, une table de chêne, un poêle revêtu de carreaux de faïence.

La jeune fille comprit que de bonnes gens habitaient là. Elle n’y recevrait aucune offense. Cependant, ne voyant personne, la princesse parcourut toute la maison, mit tout en ordre, alluma les bougies devant les icônes, alluma le poêle, monta dans la soupente et se coucha sans bruit.

L’heure approchait du souper. Un piétinement de chevaux se fit entendre dans la cour. Entrèrent sept chevaliers, sept jeunes hommes, au teint fleuri, aux moustaches abondantes.

— Quel prodige ! s’exclama l’aîné. Tout est si propre et si beau ! Pendant notre absence, quelqu’un, dans le manoir, a tout remis en ordre en attendant les hôtes. Qui est-ce donc ? Sors et montre-toi, viens avec nous lier loyale amitié. Vieil homme, à jamais tu nous seras un oncle ; jeune homme au teint fleuri, notre frère d’élection ; vieille femme, nous t’appellerons mère, respectueusement ; jeune vierge, sois pour nous douce sœur !

La princesse descendit vers eux, leur rendit honneur, les salua jusqu’à la ceinture, et, rougissant, s’excusa d’être venue chez eux sans avoir été invitée.

Ils devinèrent à ses paroles qu’ils avaient une princesse devant eux. Ils la firent asseoir dans le coin sous les saintes Icônes, apportèrent un gâteau, versèrent un plein verre et la servirent sur un plateau.

Elle refusa la vodka, rompit seulement le gâteau pour en manger un petit morceau et demanda qu’on la laissât se reposer de sa longue marche sur un lit.

Les chevaliers menèrent la jeune fille en haut, dans une salle claire, et la laissèrent seule, demi-somnolente.

 

* * *

 

Rapidement passent jours après jours. La jeune fille, toujours, reste dans la forêt. Elle ne s’ennuie pas chez les sept chevaliers.

Avant l’aube, sortent les frères, tous ensemble. Ils se promènent à cheval, chassent le canard gris, exercent leur main droite en jetant à bas de son cheval un Sarrasin, dans la prairie, en faisant voler loin de ses larges épaules la tête d’un Tatar, en chassant hors des bois un tcherkesse de Piatigorsk.

Cependant, elle demeure seule maîtresse du manoir. Elle ordonne et prépare les repas. Elle ne contredit pas les chevaliers. Ils ne la contredisent pas. Ainsi passent jours après jours.

Les frères se prirent d’amour pour la douce jeune fille. Une fois, dès qu’il fit jour, tous les sept entrèrent dans sa chambre.

Ainsi parla l’aîné :

« Jeune fille, sais-tu que tous les sept nous t’aimons ? Tu es pour nous tous une sœur. Nous serions tous heureux de te prendre pour femme, mais cela ne se peut. Alors, au nom de Dieu, réconcilie-nous de quelque façon. Sois la femme de l’un de nous. Sois une douce sœur pour les autres. Pourquoi secoues-tu la tête ? Nous refuserais-tu ? La marchandise ne serait-elle pas pour les acheteurs ?

— Ô mes braves jeunes gens, mes chers frères, leur dit la princesse, si je mens, Dieu fasse que je ne quitte pas vivante l’endroit où je me trouve. Que faire ? Je suis fiancée. Vous êtes tous égaux devant moi, tous vaillants, tous remplis d’intelligence. Je vous aime tous de grande affection. Mais pour l’éternité, je suis donnée à un autre. Le prince Élysée m’est le plus cher. »

Les frères se turent, et se grattant la nuque :

— Une demande n’est pas une faute ; pardonne-nous, dit l’aîné s’inclinant. S’il en est ainsi, je n’en parlerai plus.

— Je ne me fâche pas, dit-elle avec douceur, et mon refus n’est pas une faute.

Les prétendants la saluèrent, se retirèrent lentement et tous recommencèrent à vivre en paix.

Cependant, la cruelle tzarine, songeant à la princesse, ne pouvait lui pardonner. Longtemps elle bouda son miroir ; puis y pensant un jour, elle l’alla quérir. Elle s’assied devant lui. Elle oublie sa colère. Elle recommence à se composer le visage et, toute souriante, lui dit :

— Bonjour, mon petit miroir ; dis-moi, et rapporte-moi bien toute la vérité : suis-je la plus charmante, la plus blanche et la plus rose du monde entier ?

Et miroir de répondre :

— Tu es belle, sans conteste, mais parmi les chênes au vert feuillage, chez les sept chevaliers, vit obscurément celle qui, malgré tout, est plus belle que toi !

Tzarine de se jeter sur la Noiraude :

— En quoi m’as-tu trompée ?

L’autre avoua. Ainsi et ainsi, cela s’était passé.

La cruelle tzarine la menaça du bâton, décida de ne plus vivre ou de perdre la princesse.

 

* * *

 

Un jour, la jeune princesse filait, assise à la fenêtre, dans l’attente de ses frères très chers. Soudain, le chien hurla furieusement devant le perron. Elle aperçut une nonne mendiante qui marchait dans la cour, essayant d’écarter le chien avec sa béquille.

— Attends, grand’mère, attends, lui crie-t-elle par la fenêtre, je vais moi-même gronder le chien et t’apporter quelque chose.

— Ô ma petite, ô jeune fille ! répond la nonne, le maudit chien m’a vaincue. Il m’a déchirée. Il me fera mourir. Regarde comme il se démène, viens à moi.

La princesse veut aller vers la mendiante. Elle a pris du pain pour le lui donner, mais à peine descend-elle le perron que le chien se jette à ses pieds, se roule en aboyant. Il ne la laisse pas approcher de la vieille. Celle-ci s’avance-t-elle, plus féroce qu’une bête sauvage, il bondit. Quelle est cette extravagance ?

— Sans doute a-t-il mal dormi, dit la princesse ; tiens, attrape !

Le pain vola. La petite vieille le saisit.

— Merci, dit la vieille. Dieu te bénisse ! Pour cela, tiens, attrape.

Une belle pomme, fraîche, dorée, transparente, vole droit vers la princesse. Le chien bondit en hurlant. Des deux mains, la princesse saisit la pomme.

— Mange cette pomme, ma toute belle, dit la petite vieille, cela chassera l’ennui. Merci pour le dîner.

Puis de saluer et de disparaître.

 

* * *

 

Avec la princesse, le chien monte le perron en courant. Il regarde anxieusement son visage. Il gronde de façon menaçante comme si le cœur lui faisait mal ; comme s’il voulait lui dire : Jette ! Elle le caresse, le tapote de sa douce main.

— Qu’as-tu, Sokolka ? Que se passe-t-il donc ? Couche !

Elle rentra doucement dans la chambre et dans l’attente de ses hôtes, s’assit à son rouet près de la fenêtre. Elle ne pouvait détacher les yeux de la pomme. Celle-ci, pleine d’une sève vivante, si fraîche, si parfumée, si transparente, si dorée, lui semblait gonflée de miel. Les pépins se voyaient au travers.

Elle voulut attendre jusqu’au dîner, mais ne pouvant y tenir, elle prit la pomme ; à ses lèvres vermeilles la porta, mordit doucement un petit morceau et l’avala. Tout à coup, la chère âme, elle chancela, la respiration coupée, laissant tomber ses blanches mains, laissant rouler le fruit vermeil, elle s’évanouit et s’abattit sous les icônes, la tête sous le banc, et demeura muette, immobile.

Cependant, les frères revenaient en bande d’un hardi brigandage. Le chien se lance devant eux, hurlant, et les conduit vers la cour.

— Mauvais présage, murmurèrent les frères, nous n’échapperons pas au malheur !

Ils arrivèrent au grand galop, entrèrent, s’exclamèrent. Le chien courut se jeter sur la pomme en aboyant, l’emporta, l’avala, creva. Sans doute le fruit avait-il été nourri de poison.

Devant la princesse morte, les sept frères désolés baissèrent la tête tristement.

Récitant une prière sainte, ils la tirèrent de sous le banc, l’habillèrent, voulurent l’enterrer, puis se ravisèrent.

Comme sous l’aile du sommeil, elle était étendue, si calme, si fraîche. On eût dit seulement qu’elle ne respirait pas.

Ils attendirent trois jours, mais elle ne s’éveilla pas de son sommeil. Ayant accompli la cérémonie funèbre, ils mirent le corps de la princesse dans un cercueil de cristal et, tous ensemble, la portèrent au creux d’une montagne.

À minuit, à l’aide de chaînes de fer, ils fixèrent solidement le cercueil à six piliers et l’entourèrent d’une grille. Ils saluèrent jusqu’à terre leur sœur morte et l’aîné dit :

— Dors dans ton cercueil. Ta beauté s’éteignit tout à coup sur la terre, victime de la haine ; les cieux recevront ton âme. Tu fus notre aimée. Nous t’avons gardée pour l’aimé. Nul te t’a obtenue, si ce n’est le cercueil.

 

* * *

 

Ce même jour, la cruelle tzarine, attendant la bonne nouvelle, prit en secret son miroir et posa la question :

— Dis-moi, suis-je la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes ?

Elle s’entendit répondre :

— Ô tzarine, tu es la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de la terre.

 

* * *

 

Cependant, le prince Élysée parcourt le monde à la recherche de sa fiancée. Il ne la trouve nulle part. Il pleure amèrement. Sa question paraît bizarre à tous ceux qu’il interroge ; les uns se moquent ouvertement de lui ; les autres se détournent bien vite.

Au beau soleil, enfin, s’adressa le jeune homme.

— Soleil, notre lumière ! toi qui roules toute l’année dans le ciel, toi qui unis l’hiver au printemps tiède, tu nous vois tous au-dessous de toi. Refuseras-tu de me répondre ? N’as-tu pas vu quelque part sur la terre la jeune princesse ? Je suis son fiancé.

— Ami très cher, lui répondit le beau soleil. Je n’ai pas vu la princesse. Sans doute n’est-elle plus parmi les vivants, à moins que le croissant de lune, ma voisine, ne l’ait rencontrée quelque part ou n’ait remarqué sa trace.

Dans la détresse, Élysée attendit une nuit sombre. Dès que la lune apparut, il se mit à sa poursuite, et la suppliant :

— Croissant de lune, croissant de lune, de ma petite amie, corne d’or ! Tu te lèves dans la nuit profonde avec ton visage rond, ton œil clair. Les étoiles te contemplent, elles aiment ton habitude. Refuseras-tu de me répondre ? N’as-tu pas vu quelque part dans le monde la jeune princesse ? Je suis son fiancé.

— Mon petit frère, lui répondit la lune claire, je n’ai pas vu la belle jeune fille. Je ne veille qu’à mon tour. La princesse est sans doute passée pendant mon absence.

— Quel malheur ! répondit le jeune prince.

— Attends ! continua la lune claire, d’elle peut-être le vent sait quelque chose. Il t’aidera. Va le trouver maintenant. Ne te chagrine pas. Adieu.

Espérant encore, Élysée se jeta vers le vent et l’implora :

— Vent, ô vent ! tu es puissant, tu chasses les troupeaux de nuages, tu troubles la mer bleue, tu souffles partout librement, tu ne crains personne que Dieu. Refuseras-tu de me répondre ? Quelque part dans le monde, n’as-tu pas vu la jeune princesse ? Je suis son fiancé.

— Attends, répond le vent violent, là-bas, par delà le cours tranquille du ruisseau, se dresse une haute montagne. Dans cette montagne se trouve une profonde caverne. Dans cette caverne, parmi la triste obscurité, se balance sur des chaînes un cercueil de cristal entre des piliers. On ne distingue nulle trace autour de ce lieu désert. Dans ce cercueil repose ta fiancée !

Le vent s’enfuit au loin. Le prince se mit à sangloter. Il s’en alla vers le lieu désert, contempler, ne fût-ce qu’une fois encore, sa douce fiancée.

Il va. Devant lui se dresse une haute montagne. Alentour s’étend une contrée déserte. Au pied s’ouvre un passage obscur. Il entre hâtivement. Dans les tristes ténèbres, un cercueil de cristal se balance. Dans le cercueil de cristal, la princesse dort d’un sommeil de mort.

Contre le cercueil de sa fiancée, il s’élança de toute sa force. Soudain le cercueil se brise, la vierge renaît à la vie. Elle regarde avec des yeux étonnés. Se balançant sur les chaînes, elle soupire et murmure :

— Comme j’ai longtemps dormi !

Elle sort du cercueil. Tous deux éclatent en sanglots. Il la saisit en ses bras et de l’obscurité la porte vers la lumière.

Devisant gaiement, ils prennent le chemin du retour. Déjà proclame la renommée que la fille du tzar est vivante !

 

* * *

 

Cependant, la cruelle tzarine se trouvait inoccupée chez elle. Assise devant son miroir, elle lui disait :

— Suis-je la plus charmante, la plus blanche et la plus rose de toutes ?

Et d’entendre cette réponse :

— Tu es belle, sans conteste, mais la princesse est plus charmante, plus blanche et plus rose que toi.

Et la marâtre de sursauter, de briser le miroir contre terre, de se jeter droit à la porte. Elle rencontre la princesse. Alors s’empara d’elle un amer chagrin. La tzarine mourut.

Dès qu’on l’eut mise en terre, on célébra le mariage d’Élysée avec sa fiancée, et depuis la naissance du monde, nul n’avait vu pareil festin.

J’y étais. Je bus l’hydromel et la bière, mais je ne fis qu’y tremper mes moustaches.

Traduit par E. Vivier-Kousnetzoff
(Contes de Pouchkine. Paris, R. Kieffer, 1925.)

Александр Пушкин
Сказка о мертвой царевне и о семи богатырях

Царь с царицею простился,
В путь-дорогу снарядился,
И царица у окна
Села ждать его одна.
Ждет-пождет с утра до ночи,
Смотрит в поле, инда очи
Разболелись глядючи
С белой зори до ночи;
Не видать милого друга!
Только видит: вьется вьюга,
Снег валится на поля,
Вся белешенька земля.
Девять месяцев проходит,
С поля глаз она не сводит.
Вот в сочельник в самый, в ночь
Бог дает царице дочь.
Рано утром гость желанный,
День и ночь так долго жданный,
Издалеча наконец
Воротился царь-отец.
На него она взглянула,
Тяжелешенько вздохнула,
Восхищенья не снесла,
И к обедне умерла.

Долго царь был неутешен,
Но как быть? и он был грешен;
Год прошел как сон пустой,
Царь женился на другой.
Правду молвить, молодица
Уж и впрямь была царица:
Высока, стройна, бела,
И умом и всем взяла;
Но зато горда, ломлива,
Своенравна и ревнива.
Ей в приданое дано
Было зеркальце одно;
Свойство зеркальце имело:
Говорить оно умело.
С ним одним она была
Добродушна, весела,
С ним приветливо шутила
И, красуясь, говорила:
«Свет мой, зеркальце! скажи
Да всю правду доложи:
Я ль на свете всех милее,
Всех румяней и белее?»
И ей зеркальце в ответ:
«Ты, конечно, спору нет;
Ты, царица, всех милее,
Всех румяней и белее».
И царица хохотать,
И плечами пожимать,
И подмигивать глазами,
И прищелкивать перстами,
И вертеться подбочась,
Гордо в зеркальце глядясь.

Но царевна молодая,
Тихомолком расцветая,
Между тем росла, росла,
Поднялась — и расцвела,
Белолица, черноброва,
Нраву кроткого такого.
И жених сыскался ей,
Королевич Елисей.

Сват приехал, царь дал слово,
А приданое готово:
Семь торговых городов
Да сто сорок теремов.

На девичник собираясь,
Вот царица, наряжаясь
Перед зеркальцем своим,
Перемолвилася с ним:
«Я ль, скажи мне, всех милее,
Всех румяней и белее?»
Что же зеркальце в ответ?
«Ты прекрасна, спору нет;
Но царевна всех милее,
Всех румяней и белее».
Как царица отпрыгнет,
Да как ручку замахнет,
Да по зеркальцу как хлопнет,
Каблучком-то как притопнет!..
«Ах ты, мерзкое стекло!
Это врешь ты мне на зло.
Как тягаться ей со мною?
Я в ней дурь-то успокою.
Вишь какая подросла!
И не диво, что бела:
Мать брюхатая сидела
Да на снег лишь и глядела!
Но скажи: как можно ей
Быть во всем меня милей?
Признавайся: всех я краше.
Обойди всё царство наше,
Хоть весь мир; мне ровной нет.
Так ли?» Зеркальце в ответ:
«А царевна всё ж милее,
Всё ж румяней и белее».
Делать нечего. Она,
Черной зависти полна,
Бросив зеркальце под лавку,
Позвала к себе Чернавку
И наказывает ей,
Сенной девушке своей,

Весть царевну в глушь лесную
И, связав ее, живую
Под сосной оставить там
На съедение волкам.

Черт ли сладит с бабой гневной?
Спорить нечего. С царевной
Вот Чернавка в лес пошла
И в такую даль свела,
Что царевна догадалась,
И до смерти испугалась,
И взмолилась: «Жизнь моя!
В чем, скажи, виновна я?
Не губи меня, девица!
А как буду я царица,
Я пожалую тебя».
Та, в душе ее любя,
Не убила, не связала,
Отпустила и сказала:
«Не кручинься, бог с тобой».
А сама пришла домой.
«Что? — сказала ей царица, —
Где красавица девица?»
— Там, в лесу, стоит одна, —
Отвечает ей она. —
Крепко связаны ей локти;
Попадется зверю в когти,
Меньше будет ей терпеть,
Легче будет умереть.

И молва трезвонить стала:
Дочка царская пропала!
Тужит бедный царь по ней.
Королевич Елисей,
Помолясь усердно богу,
Отправляется в дорогу
За красавицей душой,
За невестой молодой.

Но невеста молодая,
До зари в лесу блуждая,

Между тем всё шла да шла
И на терем набрела.
Ей на встречу пес, залая,
Прибежал и смолк, играя;
В ворота вошла она,
На подворье тишина.
Пес бежит за ней, ласкаясь,
А царевна, подбираясь,
Поднялася на крыльцо
И взялася за кольцо;
Дверь тихонько отворилась,
И царевна очутилась
В светлой горнице; кругом
Лавки, крытые ковром,
Под святыми стол дубовый,
Печь с лежанкой изразцовой.
Видит девица, что тут
Люди добрые живут;
Знать, не будет ей обидно!
Никого меж тем не видно.
Дом царевна обошла,
Всё порядком убрала,
Засветила богу свечку,
Затопила жарко печку,
На полати взобралась
И тихонько улеглась.

Час обеда приближался,
Топот по двору раздался:
Входят семь богатырей,
Семь румяных усачей.
Старший молвил: «Что за диво!
Всё так чисто и красиво.
Кто-то терем прибирал
Да хозяев поджидал.
Кто же? Выдь и покажися,
С нами честно подружися.
Коль ты старый человек,
Дядей будешь нам навек.
Коли парень ты румяный,
Братец будешь нам названый.

Коль старушка, будь нам мать,
Так и станем величать.
Коли красная девица,
Будь нам милая сестрица».

И царевна к ним сошла,
Честь хозяям отдала,
В пояс низко поклонилась;
Закрасневшись, извинилась,
Что-де в гости к ним зашла,
Хоть звана и не была.
Вмиг по речи те спознали,
Что царевну принимали;
Усадили в уголок,
Подносили пирожок;
Рюмку полну наливали,
На подносе подавали.
От зеленого вина
Отрекалася она;
Пирожок лишь разломила,
Да кусочек прикусила,
И с дороги отдыхать
Отпросилась на кровать.
Отвели они девицу
Вверх во светлую светлицу
И оставили одну,
Отходящую ко сну.

День за днем идет, мелькая,
А царевна молодая
Всё в лесу, не скучно ей
У семи богатырей.
Перед утренней зарею
Братья дружною толпою
Выезжают погулять,
Серых уток пострелять,
Руку правую потешить,
Сорочина в поле спешить,
Иль башку с широких плеч
У татарина отсечь,
Или вытравить из леса
Пятигорского черкеса.

А хозяюшкой она
В терему меж тем одна
Приберет и приготовит.
Им она не прекословит,
Не перечут ей они.
Так идут за днями дни.

Братья милую девицу
Полюбили. К ней в светлицу
Раз, лишь только рассвело,
Всех их семеро вошло.
Старший молвил ей: «Девица,
Знаешь: всем ты нам сестрица,
Всех нас семеро, тебя
Все мы любим, за себя
Взять тебя мы все бы ради,
Да нельзя, так бога ради
Помири нас как-нибудь:
Одному женою будь,
Прочим ласковой сестрою.
Что ж качаешь головою?
Аль отказываешь нам?
Аль товар не по купцам?»

«Ой вы, молодцы честные,
Братцы вы мои родные, —
Им царевна говорит, —
Коли лгу, пусть бог велит
Не сойти живой мне с места.
Как мне быть? ведь я невеста.
Для меня вы все равны,
Все удалы, все умны,
Всех я вас люблю сердечно;
Но другому я навечно
Отдана. Мне всех милей
Королевич Елисей».

Братья молча постояли
Да в затылке почесали.
«Спрос не грех. Прости ты нас, —
Старший молвил поклонясь, —

Коли так, не заикнуся
Уж о том». — «Я не сержуся, —
Тихо молвила она, —
И отказ мой не вина».
Женихи ей поклонились,
Потихоньку удалились,
И согласно все опять
Стали жить да поживать.

Между тем царица злая,
Про царевну вспоминая,
Не могла простить ее,
А на зеркальце свое
Долго дулась и сердилась;
Наконец об нем хватилась
И пошла за ним, и, сев
Перед ним, забыла гнев,
Красоваться снова стала
И с улыбкою сказала:
«Здравствуй, зеркальце! скажи
Да всю правду доложи:
Я ль на свете всех милее,
Всех румяней и белее?»
И ей зеркальце в ответ:
«Ты прекрасна, спору нет;
Но живет без всякой славы,
Средь зеленыя дубравы,
У семи богатырей
Та, что всё ж тебя милей».
И царица налетела
На Чернавку: «Как ты смела
Обмануть меня? и в чем!..»
Та призналася во всем:
Так и так. Царица злая,
Ей рогаткой угрожая,
Положила иль не жить,
Иль царевну погубить.

Раз царевна молодая,
Милых братьев поджидая,
Пряла, сидя под окном.
Вдруг сердито под крыльцом

Пес залаял, и девица
Видит: нищая черница
Отгоняя пса. «Постой,
Бабушка, постой немножко, —
Ей кричит она в окошко, —
Пригрожу сама я псу
И кой-что тебе снесу».
Отвечает ей черница:
«Ох ты, дитятко девица!
Пес проклятый одолел,
Чуть до смерти не заел.
Посмотри, как он хлопочет!
Выдь ко мне». — Царевна хочет
Выдти к ней и хлеб взяла,
Но с крылечка лишь сошла,
Пес ей под ноги — и лает,
И к старухе не пускает;
Лишь пойдет старуха к ней,
Он, лесного зверя злей,
На старуху. «Что за чудо?
Видно, выспался он худо, —
Ей царевна говорит: —
На ж, лови!» — и хлеб летит.
Старушонка хлеб поймала:
«Благодарствую, — сказала. —
Бог тебя благослови;
Вот за то тебе, лови!»
И к царевне наливное,
Молодое, золотое,
Прямо яблочко летит...
Пес как прыгнет, завизжит...
Но царевна в обе руки
Хвать — поймала. «Ради скуки
Кушай яблочко, мой свет.
Благодарствуй за обед».
Старушоночка сказала,
Поклонилась и пропала...
И с царевной на крыльцо
Пес бежит и ей в лицо

Жалко смотрит, грозно воет,
Словно сердце песье ноет,
Словно хочет ей сказать:
Брось! — Она его ласкать,
Треплет нежною рукою;
«Что, Соколко, что с тобою?
Ляг!» — и в комнату вошла,
Дверь тихонько заперла,
Под окно за пряжу села
Ждать хозяев, а глядела
Всё на яблоко. Оно
Соку спелого полно,
Так свежо и так душисто,
Так румяно-золотисто,
Будто медом налилось!
Видны семечки насквозь...
Подождать она хотела
До обеда; не стерпела,
В руки яблочко взяла,
К алым губкам поднесла,
Потихоньку прокусила
И кусочек проглотила...
Вдруг она, моя душа,
Пошатнулась не дыша,
Белы руки опустила,
Плод румяный уронила,
Закатилися глаза,
И она под образа
Головой на лавку пала
И тиха, недвижна стала...

Братья в ту пору домой
Возвращалися толпой
С молодецкого разбоя.
Им на встречу, грозно воя,
Пес бежит и ко двору
Путь им кажет. «Не к добру! —
Братья молвили: — печали
Не минуем». Прискакали,
Входят, ахнули. Вбежав,
Пес на яблоко стремглав

С лаем кинулся, озлился,
Проглотил его, свалился
И издох. Напоено
Было ядом, знать, оно.
Перед мертвою царевной
Братья в горести душевной
Все поникли головой,
И с молитвою святой
С лавки подняли, одели,
Хоронить ее хотели
И раздумали. Она,
Как под крылышком у сна,
Так тиха, свежа лежала,
Что лишь только не дышала.
Ждали три дня, но она
Не восстала ото сна.
Сотворив обряд печальный,
Вот они во гроб хрустальный
Труп царевны молодой
Положили — и толпой
Понесли в пустую гору,
И в полуночную пору
Гроб ее к шести столбам
На цепях чугунных там
Осторожно привинтили
И решеткой оградили;
И, пред мертвою сестрой
Сотворив поклон земной,
Старший молвил: «Спи во гробе;
Вдруг погасла, жертвой злобе,
На земле твоя краса;
Дух твой примут небеса.
Нами ты была любима
И для милого хранима —
Не досталась никому,
Только гробу одному».

В тот же день царица злая,
Доброй вести ожидая,
Втайне зеркальце взяла
И вопрос свой задала:

«Я ль, скажи мне, всех милее,
Всех румяней и белее?»
И услышала в ответ:
«Ты, царица, спору нет,
Ты на свете всех милее,
Всех румяней и белее».

За невестою своей
Королевич Елисей
Между тем по свету скачет.
Нет как нет! Он горько плачет,
И кого ни спросит он,
Всем вопрос его мудрен;
Кто в глаза ему смеется,
Кто скорее отвернется;
К красну солнцу наконец
Обратился молодец.
«Свет наш солнышко! Ты ходишь
Круглый год по небу, сводишь
Зиму с теплою весной,
Всех нас видишь под собой.
Аль откажешь мне в ответе?
Не видало ль где на свете
Ты царевны молодой?
Я жених ей». — «Свет ты мой, —
Красно солнце отвечало, —
Я царевны не видало.
Знать ее в живых уж нет.
Разве месяц, мой сосед,
Где-нибудь ее да встретил
Или след ее заметил».

Темной ночки Елисей
Дождался в тоске своей.
Только месяц показался,
Он за ним с мольбой погнался.
«Месяц, месяц, мой дружок,
Позолоченный рожок!
Ты встаешь во тьме глубокой,
Круглолицый, светлоокий,

И, обычай твой любя,
Звезды смотрят на тебя.
Аль откажешь мне в ответе?
Не видал ли где на свете
Ты царевны молодой?
Я жених ей». — «Братец мой,
Отвечает месяц ясный, —
Не видал я девы красной.
На сторо́же я стою
Только в очередь мою.
Без меня царевна, видно,
Пробежала». — «Как обидно!» —
Королевич отвечал.
Ясный месяц продолжал:
«Погоди; об ней, быть может,
Ветер знает. Он поможет.
Ты к нему теперь ступай,
Не печалься же, прощай».

Елисей, не унывая,
К ветру кинулся, взывая:
«Ветер, ветер! Ты могуч,
Ты гоняешь стаи туч,
Ты волнуешь сине море,
Всюду веешь на просторе,
Не боишься никого,
Кроме бога одного.
Аль откажешь мне в ответе?
Не видал ли где на свете
Ты царевны молодой?
Я жених ее». — «Постой, —
Отвечает ветер буйный, —
Там за речкой тихоструйной
Есть высокая гора,
В ней глубокая нора;
В той норе, во тьме печальной,
Гроб качается хрустальный
На цепях между столбов.
Не видать ничьих следов
Вкруг того пустого места;
В том гробу твоя невеста».

Ветер дале побежал.
Королевич зарыдал
И пошел к пустому месту,
На прекрасную невесту
Посмотреть еще хоть раз.
Вот идет; и поднялась
Перед ним гора крутая;
Вкруг нее страна пустая;
Под горою темный вход.
Он туда скорей идет.
Перед ним, во мгле печальной,
Гроб качается хрустальный,
И в хрустальном гробе том
Спит царевна вечным сном.
И о гроб невесты милой
Он ударился всей силой.
Гроб разбился. Дева вдруг
Ожила. Глядит вокруг
Изумленными глазами,
И, качаясь над цепями,
Привздохнув, произнесла:
«Как же долго я спала!»
И встает она из гроба...
Ах!.. и зарыдали оба.
В руки он ее берет
И на свет из тьмы несет,
И, беседуя приятно,
В путь пускаются обратно,
И трубит уже молва:
Дочка царская жива!

Дома в ту пору без дела
Злая мачеха сидела
Перед зеркальцем своим
И беседовала с ним.
Говоря: «Я ль всех милее,
Всех румяней и белее?»
И услышала в ответ:
«Ты прекрасна, слова нет,
Но царевна всё ж милее,
Всё румяней и белее».

Злая мачеха, вскочив,
Об пол зеркальце разбив,
В двери прямо побежала
И царевну повстречала.
Тут ее тоска взяла,
И царица умерла.
Лишь ее похоронили,
Свадьбу тотчас учинили,
И с невестою своей
Обвенчался Елисей;
И никто с начала мира
Не видал такого пира;
Я там был, мед, пиво пил,
Да усы лишь обмочил.

Стихотворение Александра Пушкина «Сказка о мертвой царевне и о семи богатырях» на французском.
(Alexander Pushkin in french).